Prêter ?
Combien de fois à la place de jeux ou dans un groupe d’enfant vous entendez le votre hurler, se mettre à pleurer ou taper l’enfant d’à coté. Ces crises sont souvent déclenchées par un objet que les deux enfants convoitent. À ce moment là, vous avez généralement l’impression que tous les regards des autres parents sont posés sur vous, dans l’attente d’une réaction adaptée. Parfois, en voulant contenter tous ces observateurs ou sous le coup de l’émotion, on oublie de considérer ce qu’il y a derrière la réaction des enfants ou la notre.
Vrouuuummm oh comme je l’aime mon nouveau camion, c’est juste ce qu’il me fallait pour jouer dans le bac à sable du parc ! Tiens qui est ce petit garçon qui s’approche ? Oh oh il regarde mon camion, il est à moi je vais lui faire les gros yeux, qu’est-ce qu’il croit ! Il vient quand même et touche mon camion, je crie ! Il tire sur mon camion, il veut me le prendre, c’est le miens, il est tout neuf, je veux jouer avec. Bam je lui donne un coup de camion, c’est lui qui crie et qui pleure du coup mais moi je peux jouer avec mon camion !
Maman arrive en courant, elle n’est pas contente, c’est très mal de taper, le petit garçon voulait juste jouer avec mon camion, je peux bien prêter un peu au lieu d’être égoïste, j’ai d’autre jouets, il faut que j’apprenne à prêter ! Elle prend mon camion et le tend au petit garçon, je n’ai pas le choix, je trouve autre chose pour jouer pendant que maman retourne s’asseoir sur son banc.
Et pourtant… si on transposait ça dans une vie d’adulte est-ce que les choses se dérouleraient de la même façon ? Vous êtes sur le banc, vous regardez votre enfant jouer. La personne à côté de vous prend votre sac, fouille dedans, prend votre téléphone, regarde votre agenda. Allez-vous garder votre calme ? Aurez-vous l’impression qu’elle veut juste jouer avec votre téléphone et que c’est bien normal de prêter un peu ?
Alors oui, ça n’est qu’un petit camion en plastique mais pour l’enfant de 3 ans c’est son trésor
Que se passe-t-il dans la tête des enfants lorsque ce genre de situation se produit ?
J’ai tapé le petit garçon qui essayait de prendre mon camion, j’ai défendu mon territoire, il a découvert la frustration, je reprend tranquillement mes jeux avec mon camion. Sa maman arrive pour le consoler, c’est normal il est en pleurs. La mienne aussi arrive et tout à coup je n’y comprend plus rien, elle me gronde, elle crie, elle dit que je suis méchante, que je ne dois pas faire mal au gentil petit garçon et là, horreur, elle prend mon beau camion et le tend au petit garçon. Il me regarde d’un air triomphant. Ce que je ressens est insupportable, de la honte, de la culpabilité. J’ai compris la leçon, la prochaine fois je me laisserai dépouiller sans réagir puis je pleurerai avec un désespoir convainquant. Et là miracle, les mamans se précipiteront à nouveau vers nous mais avec des intentions bien différentes. L’enfant se fera gronder par sa mère qui lui arrachera mon jouet et s’excusera confuse auprès de la mienne. Ma mère me rendra mon camion avec des paroles chaleureuses et réconfortantes.
Comme tous les jeunes enfants, je suis très intelligente et j’apprends très vite. Puisque ça fonctionne comme ça, dorénavant j’utiliserai cette tristesse feinte pour masquer ma colère et manipuler mon entourage. J’éviterai ainsi de ressentir cette honte et cette culpabilité fort désagréable et j’obtiendrai de bien meilleurs résultats. En guise d’apprentissage des émotions, j’aurai appris à refouler et à truquer mes émotions naturelles.
Alors comment se sortir de ces situations de manière constructive. Évidemment, tout d’abord expliquer à notre enfant qu’il ne doit pas taper mais parler. Expliquer à l’autre enfant que le nôtre était entrain d’utiliser son jouet et que pour l’instant il ne semble pas avoir envie de s’en séparer, »peut-être que tu peux lui demander si il serait d’accord de te le prêter lorsqu’il aura terminé». Voir avec notre enfant si il n’aurait pas envie de jouer avec ce petit garçon, lui expliquer que jouer à deux pourrait être plus amusant, proposer un jeu sympa à deux avec le camion ou suggérer qu’ils pourraient jouer ensemble avec le camion et ce chouette jouet qu’a l’autre enfant. Quand ils sont un peu plus grand, on peut aussi les inviter à réfléchir à une solution qui pourrait contenter tout le monde. Et si il ne veut pas ? Après tout c’est son droit et on peut donc simplement le verbaliser auprès des deux enfants. Et puis parfois on n’y arrive pas, parce que la journée a été compliquée, parce qu’on est fatiguée, parce que c’est la 10ème fois de la journée que ça se produit… et tant pis, on fait de notre mieux selon nos possibilités.
C’est les pistes que nous essayons d’appliquer chez nous. Et de votre côté, comment gérez-vous ces situations ?
À Gym’Moustik nous proposons aux enfants, dès leur plus jeune âge, d’apprendre à vivre ensemble avec l’aide bienveillante de leur parent et de l’animatrice. Ils auront l’occasion de constater que parfois il faut trouver des solutions lorsqu’ils sont deux à vouloir la même balle et lorsque leur âge le permet il seront encouragés à verbaliser les choses et à trouver une solution avec nous.
Bibliographie
- Serre-moi fort de Carlos Gonzales
- Émotions, mode d’emploi de Christelle Petitcollin